Contribution de l'IHSA.
Repères historiques sur les grandes étapes de la réduction du temps de travail
(Source : La bataille du temps, Jean-Claude Poitou ; les 35 heures en 35 questions, Laurent Mossino - VO Editions)
La réduction du temps de travail devient très tôt une revendication syndicale. La journée de douze heures donne lieu à de nombreuses luttes sociales dès les années 1830. A cette époque, on travaille quinze à dix-sept heures par jour. Les rapports médicaux révèlent que ces effroyables conditions de travail sont à l'origine d'une morbidité importante, en particulier chez les femmes et les enfants. Un décret de 1848 fixe, pour la première fois, la journée de travail à douze heures. Mais ce verrou va rapidement sauter sous les coups de boutoirs des dogmes libéraux qui condamnent l'intervention de d'Etat. Le patronat impose l'allongement de la durée du travail sous le second Empire, alors que le pays s'industrialise de façon intensive. L'historien P. Pierrard rapporte ces propos tenus par un patron du textile à l'adresse d'un inspecteur des fabriques : " La science économique veut que l'homme, dut-il y périr, doit toujours suivre le rythme de la machine qui, elle-même, pour assurer la prospérité, ne doit jamais s'arrêter. "
La revendication des huit heures apparaît en 1864 au sein de la Première Internationale et sera popularisée en France par le parti ouvrier de Jules Guesde. Le congrès ouvrier socialiste, réuni en 1889 à Paris, décide d'inviter les travailleurs de tous les pays à organiser, chaque année, une journée revendicative internationale. La date en est fixée au 1er mai avec l'objectif d'obtenir la réduction de la durée légale du travail à huit heures par jour 1er mai et rtt . Dès lors, le 1er mai devient une grande journée de lutte internationale pour la réduction du temps de travail (voir " Aperçus " n° 68 et plaquette Raymond Lavigne . La loi Millerand organise progressivement la transition vers la journée de dix heures. Le repos dominical obligatoire est acquis en 1906. La loi de 1919 institue la journée de huit heures, sur la base générale de six jours de travail par semaine. Les historiens relèvent que la législation sociale a surtout pour effet d'officialiser et de régulariser des pratiques déjà largement existantes.
Ce n'est pas le cas en 1936, lorsque le Front populaire et le puissant mouvement de grève avec occupations d'usines, imposent la semaine de quarante heures et l'instauration de deux semaines de congés payés. Le succès est considérable, à tel point que certains ont du mal à y croire. Les temps de non travail seront-ils vraiment rémunérés ? Très vite, c'est la cohue en direction des bords de mer et le gouvernement Blum crée un sous-secrétariat d'Etat aux loisirs, confié au député Léo Lagrange. Le patronat ne décolère pas, il désavoue ses négociateurs et se réorganise sous l'égide de la Confédération générale du patronat français, ancêtre du Cnpf et du Medef.
La désagrégation du Front populaire va conduire à une remise en cause de la loi des quarante heures. En 1938, Daladier promulgue un décret autorisant la semaine de quarante-huit heures pour trois ans. Puis la semaine de soixante heures est généralisée, la durée du travail pouvant atteindre jusqu'à onze heures par jour.
Au lendemain de la Libération, le gouvernement abroge tous les textes de Vichy sur la durée du travail promulgués pendant la guerre. C'est officiellement le retour aux quarante heures. Mais avec la possibilité d'effectuer des dépassements d'horaires "pour accroître la production", dans la limite de vingt heures par semaine. Ces heures supplémentaires donnent lieu à des majorations de salaire (+ 25 % jusqu'à 48 heures et + 50 % au-delà).
De l'après-guerre au milieu des années 60, la durée annuelle du travail se stabilise sous l'effet combiné d'une légère augmentation de la durée hebdomadaire du travail et de l'allongement des congés payés annuels. La 3e semaine de congés payés est légalisée en 1956. La période du milieu des années 60 au début des années 80 se caractérise par une baisse de la durée hebdomadaire du travail. On voit là trace du passage de mai et juin 68, fruit des grèves et du constat_grenelle fixant pour " but de mettre en œuvre une politique de réduction progressive de la durée hebdomadaire du travail an vue d'aboutir à la semaine de 40 heures ". A cela s'ajoute en 1969 la généralisation de la 4e semaine de congés payés (vote unanime de l'assemblée nationale du 2 mai 1968 sur proposition des députés communistes). Le gouvernement décrète en 1982 le passage de la semaine de travail à 39 heures et la généralisation de la 5e semaine de congés payés. Depuis, la durée du travail des salariés à temps complet a plutôt tendance à augmenter, tandis que le travail à temps partiel s'envole. On observe simultanément un mouvement de diversification croissante des horaires. La loi sur les 35 heures constitue la dernière grande étape historique de la réduction du temps de travail en France.
Bataille du temps
1841 : le travail des enfants de moins de 12 ans est limité à 8 heures par jour et à 12 heures pour les enfants de moins de 16 ans.
1848: la durée maximale de la journée de travail est fixée à 12 heures. La durée hebdomadaire est donc de 84 heures.
1892 : limitation de la durée quotidienne du travail à 11 heures pour les femmes et les enfants, assortie de l'interdiction du travail de nuit dans l'industrie.
1900 : la journée de travail est ramenée à 10 heures dans l'industrie, soit 70 heures par semaine.
1906 : la loi institue pour la première fois un jour de repos hebdomadaire obligatoire, le dimanche.
1919 : la durée légale du travail est fixée à 8 heures par jour à raison de 6 jours par semaine, soit 48 heures hebdomadaire.
1936 : le gouvernement du Front populaire ramène la durée hebdomadaire du travail à 40 heures et accorde deux semaines de congés payés.
1946 : chaque branche de l'industrie définit ses horaires de référence, souvent supérieurs à la durée légale du travail. L'âge de la retraite est fixé à 65 ans.
1956 : troisième semaine de congés payés. La victoire ds métallos de Renault en septembre 1955 devient celle de tous les salariés. En effet la loi du 27 mars 1956 fixe à 1,5 jour ouvrable par mois de travail la durée des congés payés.
1969 : quatrième semaine de congés payés. Là encore, la loi du 16 mai 1969 étendra à tous les salariés les quatre semaines de congés payés obtenues en décembre 1962 par les métallos de Renault et que 85 % des salariés du privé avaient arrachées au cours de mai 68.
1982 : la durée légale du travail passe à 39 heures par semaine, sans perte de salaire, et la cinquième semaine de congés payés est étendue. L'âge de la retraite est abaissé à 60 ans.
1984 : échec des négociations engagées par le patronat sur la flexibilité du temps de travail.
1987: la loi Seguin facilite le recours à la modulation des horaires de travail.
1993 : la loi quinquennale sur l'emploi introduit la notion d'annualisation du temps de travail.
1996 : la loi de Robien organise une réduction du temps de travail, en échange d'un abattement des charges sociales patronales.
13 juin 1998 : vote de la première loi sur les 35 heures, dite "loi Aubry d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail", qui définit les conditions de la RTT obligatoire en incitant à la signature d'accords de branche.
1999 : Entre le 5 et le 15 décembre : vote final de la deuxième loi Aubry par les députés en dernière lecture.
1er janvier 2000 : les entreprises de plus de 20 salariés doivent appliquer les 35 heures
1er janvier 2002 : passage aux 35 heures pour les entreprises de moins de 20 salariés
2003 : La réforme Fillon-Raffarin (voir notamment les lois n° 2003-47 du 17 janvier 2003, n° 2004-391 du 4 mai 2004 et n° 2005-296 du 31 mars 2005) 1er coup porté au 35 heures
2008 : sera t-elle l'année de tous les dangers, pour la réduction du temps de travail ? à suivre.
Bordeaux juin/juillet 2008.